Ce fut donc à 17h30 vendredi que l'UTMB commença au départ de Chamonix avec la ferme intention de rejoindre .; Chamonix en contournant le Mont-Blanc ..
Hum.. En fait pour tout participant à l'UTMB tout commence bien avant, surtout depuis qu'il y a l'obligation d'avoir des points.
Et même sans tenir compte de ceci, l'UTMB commence quand tout le cirque débute à Chamonix.
Cette année, Xavier Thevenard fait un triplé remarquable en gagnant la TDS après avoir gagné la CCC et l'UTMB.
La TDS est la course la plus dure physquement (l'UTMB est plus compliqué dans la gestion de l'effort et au point de vue moral avec sa fin.
Xavier Thevenard osera-t-il revenir sur l'UTMB ou sur la TDS ou sur la CCC pour se confronter aux nouveaux caids qui apparaissent chaque année ?
Ou alors tentera-t-il un TDS suivi d'un UTMB la même année ;-) (ou même un OCC suivi d'un UTMB ).
Se fachera-t-il comme tant d'autres avec les Poletti ?
Ou l'inflation des courses et le business l'enverront il ailleurs pour rester sur ses victoires à Chamonix sans compromettre sa légende ?
Revenons à l'UTMB.. 1h30 ou 2 h avant le départ, déjà beaucoup de monde sur la place de départ. Etrangement cette année, moins quand même 2 heures avant que les autres fois. Les trailers confirmés à 7 points seraient-ils plus "sages" et moins "impatients".
1 heure avant, encore possible de voir des trous dans la petite masse qui se presse pour démarrer.
Etrange aussi, on ne sent pas l'enthousiasme d'avant. Durant toute la semaine d'ailleurs, quels visages sérieux ont présenté tous les "trailers" dans les rues de Chamonix. Visiblement, on n'est pas là, on n'est plus là pour rigoler.
C'est vrai qu'avec au minimum 500 euros de matos sur soi, on n'est plus dans le short baskets paysages des débuts..
Même Catherine Poletti n'en fait plus des tonnes. Fini le briefing nostalgique, passionné sur la conquête d'on ne sait quoi .. 3 phrases et hop.
Finis aussi les hymnes.
Quand même un petit hommage à JC Marmier, grand montagnard et une des âmes de l'UTMB, mort fin jullet (http://www.ledauphine.com/montagne/2014/07/25/jean-claude-marmier-mort-d-une-figure-de-la-montagne ).
Juste au moment du départ, pluie énorme. Certains se couvrent, d'autres non comme moi, faisant confiance à la météo qui annonce des averses irrégulières.
Je pars en polo long Odlo, un truc d'enfer qui tient jusqu'à - 10 et ne se sent pas non plus à +20.
J'ai le même short qu'à ma première course UTMB en 2006; un short Decathlon qui maintenant est troué à l'entrejambes. Comme d'ailleurs le vieux slip ;-) Ca évite les échauffements et ça favorise l'aération ;-)
Chaussettes .. X-Socks un peu usées (qui vont jouer le rôle de méchant) et Hoka qui ont 2 ultra dans les pattes, 2 trails de 21 km et peut-être 50 km au max d'entrainement.
Sac Salomon bourré du matériel obligatoire et donc à ne surtout pas tenter d'ouvrir sinon il est impossible à refermer. Pour les trucs dont on se sert, petite banane annexe.
Pas de "poche à eau".. Jamais aimé ce truc qui me semble vraiment degueu: 2 gourdes qui ont leur emplacement sur les côtés du sac .
Et boum c'est parti.
Tout va bien jusqu'au Houches.
Ensuite le problème est moral. Je DETESTE le parcours de l' UTMB jusqu'aux Contamines. Il me semble qu'on attaque vraiment sur le truc du Bonhomme. Pourquoi ? Peut-être est-ce rassurant de "commencer" quand on a déjà fait + de 20 km ou est-ce le premier col après les Houches où la descente est ultra glissante dans l'herbe et où je n'ai jamais réussi à ne pas tomber au moins 2 fois.
La pluie tombe puis s'arrête puis retombe. Quand elle tombe, ça me ramène à l'édition 2010 ( UTMB 2010 arrêté .. et les bruits commencent ). Heureusement, elle s'arrête au bout de 5 ou 10 minutes, et on a eu un peu le temps de sécher sauf .. les pieds ..
Comme l'avait dit Catherine Poletti, il y a du brouillard et on a intérêt à avoir une bonne lampe (j'ai une nouvelle Black Diamond Storm qui est top). Comme elle l'a conseillé aussi, mettre une deuxième lampe au niveau du ventre (une simple tikka) est utile.
A propos des lampes, en en cherchant une de très bonne, j'ai été surpris du peu de grosses lampes à piles. Petzl propose un truc rechargeable par USB (ou alors avec chargeur en +). Super utile l'USB quand tu est à l'UTMB ... Ou alors des trucs avec des batteries qui te donnent l'impression que tu as vraiment quelque chose dans ou sur la tête..
Sur le parcours de l' UTMB, on propose maintenant des piles pour les lampes. Je me demande si on peut rembourser les frais de participation en récupérant à chaque point de passage 4 piles pour sa lampe ;-)
Faut-il prévoir le même nombre de piles usagées pour donner le change ?
Revenons à ce fameux bonhomme. Dès le début de la montée, l'air humide me pose des problèmes non pas de vue mais de respiration. Impossible de "ventiler" comme d'habitude et donc d'avancer à un rythme "habituel"..
Je m'arrête au moins 5 fois dans la montée pour reprendre mon souffle. Cet air humide me tue et l'humidité commence aussi à se faire sentir dans les pieds. Je ne cherche pas à en savoir plus mais dans la descente, le mal que je commence à avoir sur la plante des pieds et aux talons me font envisager sérieusement un abandon aux Chapieux.
Arrivé aux Chapieux, je suis contrôlé. Une dame me demande téléphone et veste Gore-tex. Je sors le téléphone et elle me dit "non mais montrez-le moi juste". Je réponds que je veux m'en servir et elle me dit "impossible ça ne capte pas"..
Ca annule mon idée d'abandon (Comment appeler quelqu'un ??) et j'ai envie de demander à quoi ça sert d'insister autant sur les téléphones puisqu'il y a plein d'endroits où ça ne capte pas (endroits + dangereux qu'ailleurs d'ailleurs).
Tout va mieux dans le col de la Seigne. J'arrive à reprendre un rythme plus habituel pour moi. Même la descente se passe bien. il me semble qu'elle est plus facile que les autres fois.
Il y a des sortes de rondins en travers dont je ne me souvenais pas.
Lac Combal: mon endroit préféré du parcours avec cette fameuse voie romaine dont personne n'a jamais pu me dire à quoi elle servait autrefois ..
Encore un petit truc à monter et hop, descente sur Courmayeur qui se fait dans un petit chemin alors qu'il y a quelques années, on prenait de mémoire plutôt le grand chemin, du moins au début.
A Courmayeur, 7h-7h30, lavage de dents (rien de mieux pour se remettre en forme ) et examen des pieds.
Les chaussettes ont explosé, les talons sont à vif. Le tendon d'achille gauche aussi avec l'arrière de la chaussure plein de sang. Les plantes de pieds sont 2 cloques.
Comped de partout (5 au total) et rehop.
Bertone se passe bien. J'ai récupéré à Courmayeur dans mon sac de rechange l'arme fatale de motivation : un mp3 avec toute la musique des années 80 comme dirait le trafiquant de drogue de Nip Tuck.
Dans la montée de Bertone, je dépasse une dame blonde qui allait plutôt bien et qui est assise, l'air malade. Comme d'habitude avec les rencontres durant les trails, je ne saurai jamais ce qu'elle aura eu, si c'était sérieux ou pas. Je me rappelle qu'à Courmayeur, elle remplissait une gourde avec du thé. Trop de thé tue ?
Bertone Bonatti: là je comprends que le problème des pieds va être très dur. Dès que le cours j'ai mal. Je trottine plus ou moins derrière un Monsieur que je reverrai aux soins de lendemain. Il viendra se faire masser avec des pieds impeccables. A la kiné ou podologue qui lui dira qu'il entretient ses pieds, lui ! ; il répondra: ah oui, pendant 5 jours avant c'est tous les jours Nok
Ben oui, il y a des gens organisés et il y a d'autres types comme moi qui oublient les fondamentaux ou ne les connaissent même pas .. Se mettre de la crème sur les pieds .. Il ne manque plus aussi que se mettre de la crème de nuit ou de jour et se faire épiler non ? Ben oui mais alors il ne faut pas se plaindre d'avoir mal aux pieds .. je me demande si les soldats de la Grande Armée avaient une sorte de crème pour les pieds ..
Tiens d'ailleurs,, j'ai trouvé qu'il y avait beaucoup de jambes qui avaient l'air épilées..
La situation des pieds empire à Arnuva. Là aussi j'ai bien envie d'abandonner. Je reste quasiment prostré 10 minutes, ce qui ne m'est jamais arrivé, avec une sorte de mal de coeur causé par la douleur de la descente vers Arnuva.
La montée vers le col Ferret se fait lentement après avoir fait le plein d'eau à Arnuva (souvent les participants de première fois n'imaginent pas à quel point c'est dur de ne pas avoir d'eau en haut du col Ferret). Je me rends compte aussi que j'ai un sérieux problème aux bronches ou à la gorge.
J'avais prévu de courir dans la descente vers la Fouly. c'est raté. Dès que j'essaie, j'ai mal au coeur tellement j'ai mal aux pieds, dessous, derrière, sur les côtés et tous les orteils. Bizarre cette liaison coeur-pieds .. Rien n'atteint trop la tête en première approche. C'est ça qu'on appelle courir avec son coeur ? Je pense à une étude lue récemment qui dit que tout dépend du cerveau, les muscles répondant quasiment de la même façon au début qu'au bout d'un long effort.. Donc je mets le cerveau sur off. J'ai même arrêté la musique des années 80 (et 90 aussi ;-)).
Je tente de courir par petits bouts. 80 pas de course, 20 pas de marche. 80-20. 80-20 .. L'arrivée vers la Fouly, sur la route, a raison de moi.. je marche .. Dépassé par quelques types qui courent..
Dans " La vérité sur l'Affaire Harry Quebert ", le prof du héros (et accusé du meurtre) dit que l'important est d'apprendre à tomber. Bon ben voilà, j'y suis ..
Au ravitaillement de la Fouly, une dame qui me voit ramasser avec difficulté mes bâtons (la douleur aux pieds me fait trop forcer sur les jambes qui commencent à morfler aussi mais des cachets de sportenine toutes les 2 heures empêchent les crampes) me conseille d'aller voir les docteurs.
Il y a la queue à l'infirmerie de la Fouly. A priori ils sont 5 .. Ca serait peut-être bien qu'ils soient 6 ou 7..
je vois un grand italien qui était à côté de moi au départ qui abandonne. Visiblement il a un truc à une cheville; il n'a pas l'air trop déçu
L'idée étant de passer le truc qui a remplacé Bovine et si possible les Tseppes AVANT la nuit, je renonce à l'infirmerie et continue.
Habituellement, le parcours la Fouly Champex est "facile" si on a anticipé la montée vers Champex qu'en première approche on ne calcule souvent pas.
Là c'est l'horreur. Le chemin de cailloux finit de défoncer tout ce qu'il est possible de massacrer sous et sur les côtés de mes arpions. Je sens que je ne fais plus qu'un avec mes Hoka et que j'ai en moi les X-Socks .. La douleur est permanente et j'ai peur d'avance du moment où il faudra séparer le mixe meat aux chaussettes.. Je pense à un pote pompier qui parlait des horreurs de la désincarcération sur les accident. Bien sûr ça n'a rien à voir mais lors d'un ultra trail, on pense à plein de trucs qu'on a "enfin" le temps de déplier dans toutes leurs possibilités.
Arrivé à Champex, juste avant a traversée de la route, ma famille, dont la présence n'était pas prévue.
Paradoxalement, comme un des principaux remparts de motivation au non abandon est de les voir à l'arrivée, mon cerveau (comme quoi tout dépend de lui c'est vrai) arrive à me convaincre (c'est dingue les dialogues qu'on a avec soi-même pendant un ultra trail) que l'abandon à Champex est LA solution.
Je vais quand même avant voir un podologue. Une gentille dame m'explique que Comped n'est pas du tout la solution aux problèmes, m'arrache ceux que j'avais mis. Je lui explique que je suis ultra douillet mais elle me fait monter l'ego en me disant que vu l'état de mes pieds, je ne suis pas douillet du tout ;-)
Un de mes tendons est devenue une plaie mélangée avec un reste de chaussette, et incrusté dans la chaussure. La podologue me dit d'aller voir à l'arrivée un autre médecin pour éviter une infection.
Mes doigts de pieds, traités avec de l'eosine ressemble à des knacki ou aux pieds de Francis, le frère ainé de Malcolm, quand il essaie de faire ses bottes de cow-boy en les gardant aux pieds en y versant de l'eau régulièrement dedans.
Bref, j'ai le choix entre rester un peu à Champex, récupérer des 70-80 de chemin de croix que je viens de me taper depuis que j'ai mal, rentrer ensuite tranquillement à Chamonix par la route OU, aller vers ce qui reste de Bovine (je ne connais pas le nouveau parcours), puis les horribles Tseppes puis la tête aux vents, ce truc débile qui a été rajouté en 2008. Débile car dangereux en cas d'accident vu le temps qu'un blessé aura à être signalé puis récupéré, surtout en cas de blessure à la tête ou de fracture dans les rochers.. je n'ai jamais compris l'intérêt de rajouter cette chose ni le si petit nombre de bénévoles présent à cet endroit (surtout la nuit) par rapport au dispositif mis en place à certains endroits "chauds" de la TDS.
Bon ben finalement je choisis l'abandon. J'étais dans les 500 premiers . En ayant pris des chaussettes neuves, j'aurais pu je pense faire dans les 250-350. Pari raté sur la solidité finale de X-Socks étant un peu claires aux talons et devant. ..
10h57 ce dimanche. Je vais récupérer mon sac de ravitaillement et me faire soigner les pieds. A priori j'ai aussi une angine.
MAJ 1 Septembre
Bon finalement quelles conclusions ?
Pas déçu d'avoir abandonné, pas déçu jaloux d'avoir vu des gens arriver. Moi je suis déjà arrivé nom de nom donc je connais ;-)
Content d'avoir abandonné en évitant les 3 dernières montées dont la Tête aux vents, et leurs descentes; un peu la même sensation qu'on a quand un examen qui fait peur est annulé ou quand on gagne à la loterie une + que petite somme
Peut-être est-ce l'habitude, peut-être de la lassitude mais l'UTMB et son cirque ne me font plus rêver. Tout est devenu trop "préparé", trop "convenu". Les gens ne se parlent plus autant qu'avant sur le parcours (sauf les bénévoles qui sont vraiment vraiment vraiment gentils). L'inflation du business avec le matériel, les innovations et la course à l'échalote font que le trail n'est plus une course "nature". En fait, à voir certains cyclistes durant le trajet, notamment en Italie avant le Ferret, le sport "nature", c'est le vélo. Il parait que Salomon fait + de CA avec le trail qu'avec le ski .. Tout est là. La participation à l'UTMB coûte tellement cher quand on compte tout l'argent (matériel obligatoire, matériel à avoir et user pour avoir les 7 ou 8 points de maintenant, déplacements) et l'entrainement nécessaire (avant, sans la nécessité des 7 ou 8 points, on pouvait s'entrainer pour UN ultra; maintenant avec l'obligation d'avoir des points, on doit vraiment avoir un entrainement sérieux et suivi sur plusieurs années; à moins de risquer sa santé pendant un an en enchainant plusieurs grosses courses).
A la base le succès du trail s'est construit un peu sur la lassitude des courses sur routes ou courses classiques. Les gens en avaient un peu marre sans doute des trucs convenus. Le trail est devenu un peu pareil en ce qu concerne le cirque UTMB. heureusement, plein de "petits" trails sont restés "nature". Et si le temps des cross revenait ;-) avec saucisses et frites à l'arrivée comme dans les tournois de rugby..
Les montées qui commencent à se créer un peu de partout aussi semblent plus ludiques. Pas obligatoirement des kilomètres verticaux mais des montées. Ca évite en plus de massacrer les genoux (LE truc dont personne ne parle et que tout les trailers qui empilent les trails regretteront dans quelques années ..)
Bravo quand même et merci pour ce récit "brut" de l' utmb
Rédigé par : Jerome | 01/09/2014 à 14:43